« It's back to school time. Or as home-schoolers call it, stay-where-you-are time. » ∞ Ellie & Henry

Elle adorait l'école. Elle aimerait y aller. Apprendre à lire et à écrire. Elle ne savait que compter, et plutôt bien d'ailleurs. Elle n'en était pas encore aux fractions ou au nombres complexes, ce que les professeurs disaient être "pour plus tard", mais en attendant, elle pouvait multiplier et diviser de tête sans aucun problème. Là où la plupart des gens avaient besoin d'une calculatrice ou au moins d'un support papier, elle n'avait besoin que de ses doigts.

Ce matin là, elle avait détendu les jambes d'Excalibur puis l'avait attaché dans un recoin de la forêt, sous un pont en pierre, afin qu'il soit à l'abri de la pluie s'il venait à pleuvoir, et que les randonneurs ne le voient pas. Ensuite, Elizabeth c'était rendu, à pied, jusqu'à l'école de la ville. Elle voyait les gamins plus jeune qu'elle rentrer, tandis qu'elle les regardaient de loin, le dos appuyé contre un lampadaire.

Une fois la grille refermée, elle attend que les adultes partent pour l'escalader et se faufiler dans la cours de récréation. Elle fait le tour du bâtiment, accroupie, à la recherche d'une fenêtre ouverte. Dès qu'elle en repère une au rez-de-chaussé, elle s'arrête en dessous, et se relève juste un peu afin de pouvoir jeter un regard dans la pièce. Les élèves sont entrain d'étudier l'algèbre, et Elizabeth se met à sourire. Ça, elle aime bien. L'histoire, beaucoup moins.

La jeune femme qui donnait le cours avait des cheveux bruns court, et des yeux bleus. Eli’ la voyait souvent donner la classe. À vrai dire, elle se demandait si ce n’était pas elle qui faisait tout le temps cours à cette classe en particulier. Elle pouvait reconnaitre quelques élèves, notamment ce petit garçon brun qui leva bien vite la main pour demander à aller aux toilettes. Le voyant faire, Elizabeth se baissa entièrement afin d’être sûre qu’il ne puisse pas la voir. Une fois que la porte fut refermée derrière le garçon, elle se releva pour regarder le tableau. Elle ne savait pas lire. Regarder le tableau ne lui servait à rien, mais elle cela lui permettait d’apprendre quelques chiffres. Elles savaient en écrire quelques un, ou du moins elle savait les reconnaitre. De plus, en voyant dans la classe, elle pouvait voire les gestes que la maitresse faisait afin d’expliquer un calcul compliqué à un élève. Cela l’aidait aussi.

Des pas se firent entendre derrière elle sans qu’elle les remarques, trop occupée à résoudre mentalement une division assez compliquée. Ce qu’elle entendit par contre, c’est le caillou qui atterrit à ses pieds. Elle plongea sa main dans sa poche et, d’un bond, elle se retourna en pointant son poignard vers l’intrus devant elle. Elle le reconnut bien vite comme étant le jeune garçon de la classe qu’elle était en train d’espionner, et baissa son arme, la repliant pour la remettre dans sa poche. Le brun lui fit signe de le suivre, et Elizabeth s’exécuta. Il aurait pu la dénoncer. Ainsi, elle aurait eu de gros problèmes, et difficile de fuir quand on est enfermé dans une salle, au milieu d’un bâtiment, bâtiment entouré de grille. Mais le petit n’avait rien dit, alors la brune se dit qu’elle fera mieux de faire ce qu’il lui disait. Il aurait été un adulte, elle lui aurait planté son poignard dans le bras et aurait déguerpie. Mais c’était un gosse. Elle pouvait gérer.

Ils s’éloignèrent tous les deux, faisant bien attention à ne pas se faire remarquer, jusqu’à ce qu’ils arrivent sous une fenêtre fermé qui donnait sur une salle visiblement inoccupé. Le garçon s’assit par terre, tandis qu’Elizabeth se contenta de s’accroupir. Il lui proposa, de but en blanc, de venir rejoindre la classe. Soi-disant que cette Mlle Blanchard, qu’Eli’ devina comme étant la femme aux cheveux brun cours, l’accepterait dans sa classe. Elizabeth leva les yeux au ciel et s’assit par terre à son tour. « Pas sûr qu’elle veuille de quelqu’un comme moi. » Après tout, elle vivait dans la forêt et ne savait pas lire. A quatorze ans, elle ne savait pas faire ce que les autres apprenaient à faire à six ans. Aucun professeur ne voudrait d’elle elle le savait. De plus, elle préférait largement être seule derrière la fenêtre, sans contraintes horaires, qu’au milieu d’un groupe de bambin qui s’inquiétait de chose complétement futiles.

Elle ne dit rien pendant quelques secondes, profitant du silence, avant de se tourner vers le garçon à côté d’elle. « Tu t’en sors bien en cours ? »

C’était stupide ce qu’elle disait ? Oui, il devait avoir raison. Après tout, Eli’ était stupide. C’était ce que tous les adultes qu’elle rencontrait lui disaient. Elle était stupide, malpolie, moche, et personne ne voudrait faire. Elle y était habituée désormais.

Elle ne le regardait pas, mais elle sentait son regard sur elle. Il devait se poser pas mal de question, Elizabeth en était sûre. C’est pour faire cesser sa gêne qu’elle lui avait posé une question, à laquelle il avait répondu immédiatement. Il s’en sortait pas mal, même bien, sauf en sport, et la brune se dit que pour elle, ça aurait sûrement été le contraire. Il lui demandait pourquoi cette question, elle se contentait de hausser les épaules. Elle ne savait même pas pourquoi elle était encore ici. Elle aurait dû prendre ses jambes à son cou et partir dès qu’il l’avait repérée.

Quand il lui demanda si elle s’en sortait bien, elle leva les yeux au ciel et haussa les épaules à nouveau. Quelle question idiote, alors qu’elle n’allait pas en classe. Alors oui, derrière sa fenêtre, elle s’en sortait bien. Du moins, tant que ça concernait les mathématiques. Il se présenta ensuite. Il s’appelait Henry, avait dix ans, lui semblait bien mature pour son âge. C’était désormais à son tour de se présenter, afin de lui rendre la politesse. Et puis de toute manière, il lui avait demandé son prénom, et d’une certaine manière, elle lui en devait une, non ? « Elizabeth. » finit-elle par dire. « J’ai quatorze ans. »

Elle se passa la main sous le nez avant qu’il ne commence à la gratter et renifla un bon coup. Avec ces températures basses et cette météo à chier, elle n’allait pas tarder à attraper une bronchite … « Si tu veux tout savoir, je m’en sors pas du tout. J’ai quatre ans de plus que toi et je ne sais même pas lire. » Pourquoi lui disait-elle ça ? Elle ne le connaissait pas, et lui raconter sa vie n’allait pas la changer. Et puis il fallait qu’elle soit honnête avec elle-même : sa vie n’était pas si mal que cela. Elle n’avait aucune règles, aucune barrières, rien qui l’empêchait de faire ce qu’elle voulait faire. Parfois, elle se sentait un peu seule. Parfois, elle manquait de nourriture. Mais ce n’est pas non plus une vie d’avoir tout à sa portée quand on le demande.

« Enfin bref … Tu devrais retourner en cours avant que je t’attire des ennuis. » lui dit-elle après quelques minutes de silence. Car s’il apprenait à la connaitre aujourd’hui, il ne voudrait pas d’elle demain. Autant finir sur de bonnes bases et ne jamais se revoir que de voir quelqu’un lui dire qu’elle était stupide une fois de plus.