Quand on veut une chose, il faut se donner les moyens de l'obtenir sans perdre son intégrite [Mister Gold]

Les journées se suivent et se ressemblent dans la petite ville de Storybrooke depuis près de trois décennies. Même s'il vivait depuis longtemps, ces dernières années lui paraissaient longues à attendre que la malédiction soit enfin brisée, à jouer la comédie de ne pas se souvenir du passé lorsque Regina venait parfois le voir à l'occasion. Il voyait tous ces gens qui se baladaient dans la ville, ignorant le monde duquel ils venaient ainsi que le rôle qu'ils y ont joué, oubliant qui Mister Gold était en vérité.

Certes ils le craignaient quasiment tous. Il laissait à Regina le pouvoir, ou du moins ce qu'elle croyait avoir comme pouvoir en pensant que son mentor se trouvait à sa merci, mais pour beaucoup d'habitants de cette petite ville, son nom inspirait aussi la crainte. Il jouait son rôle à la perfection, mettant de côté le ténébreux avec sa douce folie pour se mettre dans la peau d'un antiquaire impitoyable en affaire. Si Regina avec la malédiction avait obtenu ce qu'elle voulait, gouverner et avoir Blanche-Neige sous sa coupe, la faire trembler, lui attendait encore son heure...

Une jeune femme franchit le seuil de sa porte, ce qui était assez rare ces derniers temps. Seuls les gens vraiment désespérés venaient le voir pour lui appartenir davantage en échange d'une faveur bien modique au final au vue du prix qu'ils devront payer. Dans ce monde, il ne l'avait jamais vu jusqu'à présent et il s'était demandé si elle n'avait pas échappé à la malédiction. Il ne connaissait pas son nom ici et il sourit en la voyant s'approcher. Un sourire assez peu commercial, plus dans le style "je vais t'avoir dans ma collection, très chère". Elle se montrait polie envers lui, une chose bien rare de nos jours...

- Bonjour, Mademoiselle ?

Il voulait avoir le nom de celle qui autrefois était la dame du lac. Il se doutait de quelle épée elle voulait mais il devait éviter de le dire. Cela pourrait éveiller des soupçons. Viviane était une magicienne très puissante et même en simple humaine dans ce monde, qui sait de quoi elle pouvait bien être capable instinctivement même sans magie. Il se souvenait de l'avoir vu une ou deux fois en compagnie de celle qui avait su aimer l'homme qu'il était devenu depuis qu'il était devenu le ténébreux.

- Une épée ? Ce n'est pas ce qui me manque. Si vous voulez bien me suivre.

Gold s'approcha de la jeune femme à l'agréable physique et l'amena à une vitrine où était exposée quelques-unes des armes blanches en sa possession. Il gardait deux trois épées dans sa réserve dont une qu'il ne pouvait pas toucher, sans doute celle qui risquait d'intéresser Viviane. Il en désigna une du doigt, plutôt jolie dans le style grec antique.

- Une antique épée grec, d'après la légende de son dernier propriétaire, elle aurait appartenu à Damoclès. Encore faut-il croire aux Dieux et à la magie. Moi je crois surtout au pouvoir des affaires et de l'argent. Pas vous ?

Il avait l'impression de jouer au jeu du chat de la souris. Il se demandait ce qu'il pourrait demander en échange de l'épée s'il acceptait de la lui laisser. Une fois la malédiction rompue, il n'arriverait pas à la garder bien longtemps en sa possession.

   

Il trouvait le nom de la dame du lac des plus judicieux. Ce n'était pas toujours évident qu'il y ait un lien entre qui personnages de conte étaient autrefois et qui ils sont dans ce monde-ci. Lake... Cela laissait rêveur, sachant qu'à Storybrooke, rien de plus facile que de la plonger dans le lac pour l'éternité... La folie de Rumplestiltskin l'habitait encore mais depuis vingt-huit ans qu'il portait ce masque, il finissait par réussir à la mettre de côté sans trop se forcer à paraître normal. Au final, il jouait son rôle à la perfection puisque madame le maire ignorait qu'il savait.

Il écoutait attentivement la belle jeune femme qui se vantait de posséder de l'argent. Peut-être qu'elle était riche, comme lui pouvait l'être, mais intérieurement elle était pauvre et elle l'ignorait. Une coquille vide, sans souvenirs et comme lui, sans pouvoirs magiques. Sauf que lui savait tout ce qui s'était passé, c'était sa force et sa plus grande richesse. Il pouvait continuer à faire des affaires avec les gens et les duper pour cette vie ou la prochaine après la malédiction...

Un prix à payer... Ses mots résonnèrent dans sa tête comme une douce musique et il entendit la voix de son vieux compagnon lui rappeler sa phrase favorite. Il était amusant d'entendre quelqu'un d'autre dire ses mots, surtout venant de part de Diana. Si c'était la fameuse Viviane qui les avait prononcés, alors il se serait méfié.

- Très juste, mademoiselle Lake. La vie est une succession de sacrifices mais le plus difficile est de faire les bons.

Elle paraissait intéressée par l'épée qu'il lui proposait mais elle voulait Excalibur, l'épée du roi Arthur Pendragon. Il mit sa canne devant lui et s'appuya dessus des deux mains. Il lui fit son sourire mystérieux, laissant croire qu'il pouvait avoir ce qu'elle recherchait. Elle était trop absorbée pour remarquer sa façon de faire, surtout lorsqu'elle trouva un peigne en argent qui appartenait autrefois à la dame du lac. Elle insista pour dire que c'était cette épée qu'elle voulait et aussi cet objet si possible. Elle recommença à parler d'argent, cela l'amusait intérieurement.

- Imaginons que j'ai cette épée en ma possession, celle qui a réellement appartenu au roi Arthur, le vrai pas celui de la légende racontée, pensez-vous réellement que votre budget atteigne sa valeur ?

Il ne cherchait pas à la faire languir, son esprit retord imaginait déjà l'avantage qu'il pourrait tirer d'un accord avec elle. Impossible de lui dire pour le moment, ce qu'il attendait d'elle vu qu'elle ignorait son identité.

- Pour le peigne, tout dépendra de l'accord que nous pouvons passer ensemble. Car voyez-vous, tout ce qui se trouve exposé est à vendre mais ce que vous recherchez, fait partie de ma collection personnelle.

Il cherchait à la manœuvrer, lui faisant comprendre qu'elle ne peut pas avoir de prix en laissant croire qu'elle pouvait avoir une valeur sentimentale.

- Suivez-moi.

Il l'invita d'un geste de la main à venir derrière le comptoir et passer dans sa réserve. Dans un coin de la pièce, sous une vitrine sécurisée, Excalibur trônait sur un coussin couleur bleu roi. Pour agrémenter le tout, des représentations de la légende arthurienne entourait le meuble dont une illustration de l'épée légendaire ressemblant au détail prêt à celle dans son présentoir.

   

Gold fit un petit sourire en voyant la main de Diana s'approcher de la vitrine. Elle désirait tellement cette épée que tout son être la trahissait. Heureusement, elle ne la prit pas en main, allez savoir ce que le contact de cet objet pourrait lui faire. Il valait mieux qu'elle reste sans souvenirs et sans ses pouvoirs. Storybrooke avait un côté énervant, celui de ne pas pouvoir utiliser la magie à cause de la malédiction. Vingt-huit ans qu'il se traînait comme un boulot à faire toutes les tâches du quotidien alors que d'un claquement de doigts ce serait réglé.

Maintenant, elle était prête pour faire affaire. Elle voulait savoir le prix, montrant trop vite qu'elle ne pourrait plus résister à l'envie de la posséder. Il prit un air pensif, comme s'il réfléchissait alors qu'il savait déjà ce qu'il voulait.

- Vous n'êtes pas encore en mesure de me donner ce que je veux en échange de l'épée.

Il la regardait avec ce petit sourire suffisant qui pouvait agacer les gens, ou du moins les déstabiliser. Il aimait bien faire languir les acquéreurs, qu'ils cogitent en se demandant si ça n'allait pas leur coûter le prix de la vie. Il continuait de l'observer attentivement avant de détourner la tête, l'air toujours pensif comme s'il subissait un débat intérieur.

- Pourquoi pas après tout...

Ce n'était qu'un chuchotement, un murmure sinistre d'un esprit machiavélique qui complote pour arriver à ses fins. Si le ténébreux pouvait traîner le spectre de la mort, bien que ses victimes ne soient pas aussi nombreuses que les fables populaires de la forêt enchantée, Gold traînait le spectre des désirs inassouvis. Celui rentrait dans sa boutique pouvait finir par être damné ou par être rongé d'envie de posséder ce qu'il ne pouvait pas s'offrir. Il ne comptait pas soumettre Diana à l'un de ses deux choix. Il valait mieux éviter de se mettre à dos la dame du lac.

- Vous êtes fascinée par la légende arthurienne et il se trouve que moi aussi. Il se dit que le possesseur de l'épée peut aller à Avalon, un endroit que j'aimerais bien découvrir. Faisons un marché, je vous donne l'épée et en échange, vous m'emmènerez à Avalon quand vous saurez comment y aller. Depuis longtemps je suis fasciné par cet endroit.

Il espérait ne pas éveiller la méfiance de Diana et qu'elle accepterait. Le marché pouvait paraître farfelu mais il trouverait bien le moyen de la convaincre que c'était honnête.
   

Bien qu'il ne le montrait pas, il n'appréciait pas le ton de la jeune femme. Même si elle ignorait qui elle était, pour qui se prenait-elle dans ce monde-ci ? Sa façon de répondre avait un côté vexant. Se prenait-elle pour une donneuse de leçons ? S'il n'arrivait pas à négocier au mieux la cessation de l'épée avant la fin de la malédiction, il n'hésiterait pas à trouver le moyen de s'en débarrasser et sans avoir besoin de la toucher. Toute dame du lac qu'elle était, il valait mieux éviter de se frotter au ténébreux lorsque celui-ci se montrait vexé.

Son instinct lui conseillait de ne pas accepter le marché, à la bonne heure ! Elle peut tourner l'histoire et la légende du roi Arthur de toutes les manières qu'elle veut, elle a le sang de ce chevalier sur les mains. Excalibur a beau lui appartenir, pour toute magie, il y a un prix à payer. Le destin n'avait pas agi par hasard en confiant à Rumplestiltskin l'épée. Dans toute cette affaire, il existait un but qu'elle ignorait et que lui aussi ne comprenait pas encore mais il savait qu'il s'agissait d'une leçon qui coûterait cher.

Trouver un autre acquéreur pour son offre ? Il aurait ri à une autre époque, lui expliquant que cette épée ne pouvait pas aller dans les mains de n'importe quel pouilleux qui aimerait la posséder, sinon depuis bien longtemps il aurait cherché à la vendre. Pourtant, cette phrase lui apporta une idée des plus intéressantes. Il continuait de garder le sourire, gardant son masque impénétrable.

- La vendre ? Non, je vous l'ai dit, elle fait partie de ma collection... En revanche, je connais une personne en Chine qui possède un objet qui m'intéresse davantage et qui pourrait être intéressé. Jusqu'à présent, je lui offrais autre chose en échange mais qui sait...

Il commença à lui tourner le dos, afin de lui faire comprendre qu'il en avait terminé avec cette entrevue. Il n'était plus disposé à perdre plus de temps sans une offre plus raisonnable de la part de Diana. Il n'avait aucune mauvaise intention envers Avalon. Pourquoi lui en interdire l'accès ?

- Cependant, je vais vous faire une faveur. Pendant un mois, vous pourrez me proposer d'autres offres plus raisonnables. Quant à moi, je réfléchirai de mon côté à un autre arrangement où vous vous sentirez moins ... redevable.

Il n'avait jamais vraiment eu affaire à la dame du lac mais dans ce monde, elle venait d'entrer dans la catégorie des gens qu'il n'appréciait pas. Il n'avait nul désir qu'elle lui appartienne comme d'autres. Il désirait juste qu'elle lui soit redevable pour un tout petit service de rien du tout...
   

Miss Lake quitta la boutique sans l'objet qu'elle désirait. Il ne considérait pas cela comme un échec, il lui laissait le temps de réfléchir et si jamais elle ne succombait pas, il trouverait un autre moyen pour la convaincre. Il la regarda partir, ne regrettant pas que cette transaction ne se soit pas conclue. Il suffisait d'être patient et si jamais il n'obtenait pas ce qu'il espérait, il trouverait un autre moyen pour aller à Avalon.

*****

Gold savait qu'Anastasia avait bien rempli sa mission. Leur conversation téléphonique fut brève et lui avait laissé une impression bizarre. Il comptait la voir prochainement afin de tirer les choses au clair à ce sujet. Il espérait qu'elle n'ait rien divulgué de leur accord secret, sinon cela lui coûterait cher. Lorsque miss Lake arriva ce jour-là, il se demanda si elle venait acheter ou si elle comptait lui faire une nouvelle proposition. Lorsqu'elle ouvrit la bouche, elle annonça la couleur avec son ton peu cordial. Cela le fit sourire, comprenant qu'encore une fois, la conversation risquait d'être peu amicale. Excalibur allait rester probablement en sa possession. Sauf si...

- Bonjour miss Lake.

La jeune femme ne mit pas longtemps pour dire le fond de sa pensée. Elle était prête à payer le prix fort pour son épée mais elle refusait le marché. Cela devenait intéressant. Avec l'arrivée d'Emma Swan, la malédiction pouvait s'arrêter à tout moment et maintenant c'était lui qui avait moins de marge de manœuvre.

- Ah... Mademoiselle Romanov... Je lui avais pourtant bien dit de vous prévenir de sa visite... Elle est un peu tête en l'air, peut-être trop plongée dans les bouquins.

Il espérait que cette note d'humour détendrait l'atmosphère, bien qu'il se doutait du contraire.

- Pardonnez-moi de ne pas vous avoir prévenu moi-même mais j'espérais vous faire une surprise. Et surtout, je craignais que vous refusiez de recevoir cette jeune femme si j'avais pris le rendez-vous pour elle.

Il sortit du comptoir pour s'approcher de la dame du lac. Il avança lentement, accentuant sa claudication comme si le temps aggravait son état.

- Pour me faire pardonner, je vous propose un autre arrangement.

Il prit un air pensif, le regard perdu dans le vague, faisant mine de réfléchir alors que ce n'était pas le cas. Depuis plusieurs jours déjà, il envisageait une autre possibilité. Ce n'était pas par elle qu'il pourrait aller à Avalon, il devrait espérer l'aide de quelqu'un d'autre et il se trouvait que récemment, il avait découvert Morgane à Storybrooke. Peut-être arriverait-il à la convaincre une fois que tous ses souvenirs seront revenus... Qui ne tente rien...

- Je veux bien vous céder l'épée en échange de toute votre fortune. Je ne doute pas que votre prochain roman va vous rende de nouveau riche. Ceci est une faveur que je vous fais spécialement et j'espère qu'à terme, un jour vous vous en souviendrez si jamais j'ai besoin.

Il lui faisait clairement une fleur, en ne cherchant plus à lui faire signer de contrat mais il savait qu'à l'avenir, il risquait de se retrouver face à elle. pas à cause d'Avalon, non... Il pressentait pourtant qu'un événement risquait de les opposer.

   

La jeune femme ne mit pas beaucoup de temps avant de répondre. Elle refusait de donner toute sa fortune et en expliqua la raison. Le raisonnement logique donné se tenait et il acquiesça. Financièrement, cela lui rapportait deux millions de dollars, et même s'il n'en avait pas besoin, cela faisait une belle somme dans ce monde. Avec la fin de la malédiction approchant, cette proposition ne pouvait pas vraiment se refuser.

Alors que la jeune femme semblait lui laisser le temps de répondre, elle reprit très vite la réponse pour lui expliquer davantage pourquoi elle ne pouvait pas donner plus. Il sourit poliment mais dans le fond, il s'interrogeait sur l'identité des deux jeunes femmes que miss Lake avait pris sous son aile. Il devrait interroger Anya à ce sujet et peut-être même demander d'autres informations à Valentin, le détective privé qui lui était souvent d'une aide précieuse. Tout cela l'intriguait mais il devait se concentrer uniquement sur la vente de l'épée.

- Je comprends Miss Lake.

Il réfléchit quelques instants avant de reprendre la parole. Il allait céder, ne pouvant obtenir plus d'elle, ou du moins pour le moment. Il n'aimait pas trop sa relation avec Killian, cela mettait légèrement en péril son envie de vengeance. Et pourtant, cela allait peut-être arranger ses affaires. Il avait une autre partie à jouer après cela.

- Je vous la vends pour deux millions. Voyez cela comme une faveur supplémentaire car elle en vaut plus. Je vais essayer de tirer profit de cette vente pour acquérir l'autre objet dont je vous ai parlé et que je devais échanger avec l'épée. J'espère que cela marchera.

Il invita la jeune femme à le suivre jusqu'à l'épée et il ouvrit l'accès pour qu'elle puisse prendre l'épée dans sa main. Il ne doutait pas qu'elle le paierait et il pouvait donc lui confier déjà cette relique.

- J'espère qu'à l'avenir, nous entretiendrons de meilleurs rapports que jusqu'à présent. Veuillez accepter de nouveau mes excuses pour l'intrusion de mademoiselle Romanov. J'aurais dû vous prévenir avant.

Il n'attendait plus son argent et à voir partir la jeune femme, satisfaite de son acquisition, tandis que lui espérait qu'à l'avenir, ce qu'il venait de faire, pourrait lui servir... D'une manière ou d'une autre.