Rencontre au poil - Pv Violette

Anya n'aimait pas les trucs dits de filles. Le shopping, par exemple, elle n'en faisait jamais, préférant garder son argent pour des choses plus intéressantes. Pourquoi racheter des chaussures quand celles que vous aviez depuis deux ans allaient encore ? Décidément, oui, la logique consumériste de la société échappait totalement à la jeune femme. Mais une fois n'est pas coutume, il fallait quand même, parfois, qu'elle s'adonne à ce genre de choses qu'elle honnissait tant, en l'occurrence se faire couper les cheveux.
Non pas que le massage crânien qui accompagnait le shampoing soit désagréable. C'était même tout l'inverse et la rouquine n'aurait pas dit non si on avait pu lui en faire plus souvent. Mais perdre près d'une heure chez le coiffeur quand elle aurait pu faire trente six choses plus importantes ? Ca la dérangeait un peu. Cela étant dit, elle avait besoin de rafraichir sa longue tignasse rousse.

La jeune femme s'était donc mise en route vers le salon de coiffure de la ville où elle avait pris rendez-vous la veille, par pure prévoyance. Autant attendre le moins possible, non ?
Anya poussa la porte du salon et une odeur de shampoing lui parvint immédiatement dans les narines. Pas de doute, elle était au bon endroit. Elle s'approcha alors du comptoir et, se retrouvant face à une femme à peu près aussi jeune qu'elle, déclara :

- Bonjour. J'ai rendez-vous à 14h. Au nom de Romanov.

La coiffeuse et Anastasia devaient avoir sensiblement le même âge. Peut-être cela allait-il les aider à entamer une conversation un peu plus profonde que celles que la rouquine tenait d'ordinaire les rares fois où elle venait chez le coiffeur - environ deux fois par an. Ce jour ci, en l'occurrence. Solitaire qu'elle était, la jeune femme ne le vivait pas particulièrement mal de ne rien avoir à dire à la coiffure, du moment que celle-ci faisait correctement son travail. Mais si les choses pouvaient être différentes ce jour là, elle n'allait pas dire. Il était, parait-il, de bon ton de se montrer sociale.
Mais pour l'heure, il s'agissait de déterminer la coupe, du moins, les envies capillaires d'Anya.
Comme d'habitude, manqua t-elle de répondre avant de se rappeler qu'elle n'avait jamais eu affaire à cette jeune femme là.
- Essentiellement, je voudrais rafraichir tout ça, commenta Anya en saisissant l'une de ses mèches. Pas de changement fondamental, pas de teinture, juste rendre mes cheveux moins mornes et mes pointes plus jolies. Je suis très classique, précisa t-elle finalement au lieu de dire qu'elle ne s'intéressait pas à ce qui était moderne, à quelque niveau que ce soit.
C'est ce moment que choisirent les lotions capillaires pour tenter de rejoindre le sol, probablement bousculées par un mouvement malencontreux de la coiffeuse. Mais au lieu de se précipiter les bras tendus, elle fit apparaitre un champ de force qui retint les lotions avant de les reposer à sa place initiale.
C'était la première fois depuis longtemps qu'Anya voyait de la magie. La dernière fois, elle affrontait Raspoutine et détruisait son reliquaire. Autant dire que cela remontait : presque trente ans s'étaient écoulés depuis, bien qu'elle n'ait littéralement pas vu le temps passer.
- Sacrés pouvoirs, commenta t-elle, les yeux un peu écarquillés. C'est tellement étrange de se réhabituer à la magie ! Je n'en avais plus vu depuis un moment. Je ne crois pas avoir vu de magie blanche avant, d'ailleurs, ajouta la rouquine, plus pour elle que pour la coiffeuse.

Pas de la magie ? Apparemment, la coiffeuse et sa cliente n'avaient pas la même définition de ce qu'est la magie. Pour Anastasia, chaque don hors du commun était magique donc sa coiffeuse était magique, fin de l'histoire. D'ailleurs, elle semblait en possession d'un don vraiment chouette... mais n'en avait apparemment pas conscience. Pire encore, elle ne voulait pas que ça se sache, comme si elle était atteinte de la peste. Mais soit, c'était sa vie et elle la régentait comme bon lui semblait.
- Entendu, je n'irai pas le crier sur tous les toits, sourit Anastasia.
A qui aurait-elle pu courir le raconter, de toute façon ? La jeune femme était relativement seule et n'avait pas encore eu la chance de retrouver les siens. Seulement ses souvenirs, ce qui, aux yeux de l'amnésique qu'elle avait déjà été par deux fois, était un sacré progrès, mais un progrès douloureux puisque les souvenirs ne lui ramenaient pas ses proches.
La jeune fille mit un terme à la conversation en reprenant son travail, montrant plusieurs coiffures à Anastasia.
Elles étaient jolies, c'est vrai, mais la rouquine avait déjà exprimé un choix, non ? Pourquoi tenter de lui en vendre un autre ? Est ce qu'elle recevait une prime si jamais la cliente préférait son idée à elle plutôt que celle avec laquelle était venue au salon ? Anya trouvait cela curieux, elle qui n'aimait pas vraiment le changement. Elle n'en regardait néanmoins pas les coiffures avec attention. Après tout, c'était la petite brunette l'experte, non ?
Finalement, elle opta pour la 3, qui collait plus ou moins à ce qu'elle aimait avoir sur la tête en général.
- Celle là devrait faire l'affaire, pointa t-elle du doigt en indiquant la troisième image que la coiffeuse tenait être ses mains.
L'instant d'après, Anastasia était installée dans un fauteuil moelleux, une immense serviette autour de son cou pour protéger ses vêtements des cheveux qui allaient voler.
- Vous savez, reprit-elle tandis que la coiffeuse commençait son travail, sans vouloir me mêler de ce qui me regarde pas, ce que vous m'avez montré toute à l'heure c'est quand même un sacré donc. Ce serait dommage que vous ayez peur de qui vous êtes, surtout dans une ville comme la nôtre. Personne ne va vous juger là dessus. Moi pas, du moins. Je trouve ça fascinant.