We Are Lost ~William & Emma ~

We Are Lost

Un verre. Deux verres. Trois verres. Quatre verres.  L'alcool pénétrait son corps, enivrait ses sens, embrumait son esprit. Il ne les comptait plus en cette soirée. Il buvait , fixant le tableau morne et grossier qui ornait un mur de ce bar miteux. L'ambiance tamisée rajoutait une atmosphère déprimante au lieu mais il se fichait. Il ne pouvait éprouver le besoin de broyer du noir. Sentir la peine et l'amertume d'avoir eu une mauvaise journée. Il aurait aimé ressentir à nouveau ce pincement au coeur, ce chagrin, cette douleur. William avait beau se forcer, rien. Même en voyant sa soeur travailler, il n'arrivait point à ressentir de la joie. Il se sentait seul, incompris. La seule chose qu'il pouvait encore ressentir n'était que des bribes souvenirs de son enfance, mais il n'arrivait pas éprouver ses sentiments, seulement se souvenir de son passé et de décrypter chaque sentiments qu'il n'avait plus. Il n'avait plus la joie, la bonté, la peine, la jalousie. Il était seul à être ainsi. Il se souvenait de l'amour qu'il portait à sa femme, de la douceur de sa peau sous ses doigts, du frisson qui le parcourait. Il se souvenait de la honte, de l'amertume, de l'abandon et de la solitude. Il se souvenait à quel point cela faisait mal que sa mère ait pu le regarder avec une telle haine, avec un tel mépris. Que son père qui avait fini par le voir comme un fardeau et une honte. Il l'avait abandonné sans un mot, sans un regard, à l'âge de 10 ans.  Mais avec ce coeur, son coeur, il ne pouvait que de se souvenir de ses émotions. William ne pouvait que boire , oublier, effacer, tout pour essayer de ressentir un faux semblant d'émotion. Un verre. Deux verres. Trois verres. Quatre verres. Cinq verres. William ne ressentait plus aucun bien-être venant de l'alcool. Plus aucun soulagement. Les effluves ne montaient plus à sa tête, ne l'embrumait plus. Comme si l'alcool ne pouvait plus l'aider. Il était perdu, perdu dans sa malédiction. Perdu dans son malheur qu'il ne pouvait ressentir. Un verre. Deux verres. Trois verres. Quatre verres. Cinq verres. Six verres. William regardait le liquide ambré dans ce verre en crystal qui semblait pas très propre. Hypnotisé, il regardait ce liquide amer qui devenait doux dans sa bouche. Il n'était plus sûr de vouloir le boire. Il aurait pu déprimer comme ces hommes dans ce foutu bar mais il ne pouvait pas. Ces hommes à la mine déconfite avaient quelque chose que lui n'avait plus depuis longtemps si bien, qu'il avait oublié à quel point cela faisait du bien de ressentir quelque chose. Un coeur.

Le temps semblait s'éterniser, comme figer. Depuis que la malédiction fut brisée, il avait cette impression que certaines choses n'avaient pas changé. William avait toujours son coeur de pierre, pas de famille. Il aurait aimé s'approcher de Granny, de lui dire qui il était , mais si elle le rejetait, si Ruby le rejetait comme Anita l'avait rejeté. Le temps était figé dans ce bar, comme si il avait peint ce bar, graver ce moment sur une toile.  Dans ce bar, il y avait que de la peine, de la dépression mais même si il était là, il ne faisait pas parti de ce tableau. Il laissait ses sens le guider, il entendit la porte s'ouvrir, sentant de l'air frais rentrer dans le bar suivi d'une odeur qui vint chatouiller ses narines. Douce et à la fois enivrante, suave et forte. Il ne reconnaissait pas cette odeur, méconnue par son esprit. Tout doucement, il se tournait pour voir une blonde avec une veste en cuir rouge s'asseoir à ses côtés pour commander un verre. Il n'eut pas de mal à te reconnaître. Emma Swan. Tu semblais être perdue, complètement perdue comme lui. Dans le bruissement de sa veste en cuir noir, il se tournait quelque peu vers toi. Il voulait savoir ce que tu pouvais bien faire par ici à cette heure là. Ce n'était pas digne d'une princesse de traîner dans ce trou à rat. Et surtout pas d'un héros comme toi.

- Bonsoir, s'enquit-il tout doucement.

Il levait tout doucement son verre où du liquide ambré bougeait doucement dedans, William étirait tout doucement ses lèvres afin de te donner un sourire, il le faisait pour que tu saches, qu'il était amical. Il ne ressentait rien, pas même de la joie ou de l'impatience de te connaître. Rien. Mais apparemment, même la sauveuse pouvait être une personne comme lui. Tu étais perdu tout comme lui l'était. Peut-être qu'au final, tu lui ressemblais plus qu'il le croyait.

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William inspirait la méfiance chez ses comparses. Il ne savait pas pourquoi mais il inspirait ce sentiment. Etait-ce leurs instincts qui se réveillaient face à son coeur de pierre qui ne pouvait se fissurer ? Tout le monde le regardait avec cette méfiance dans les yeux. Tout le monde le faisait.  Il ne savait pourquoi il inspirait autant de méfiance chez les personnes. Autrefois, il fut un homme qui inspirait la bonté et la gentillesse. Il inspirait les sourires, les rires, les visages éclairés par lumière de l'acte généreux qu'il venait juste de commettre. Il s'en souvenait des sourires qui venaient des enfants, des adultes. Il se souvenait de la joie qu'il avait éprouvé en voyant leurs visages s'illuminer, de leurs gratitudes. Tout avait changé lorsque son coeur s'assombrit et se figeai dans une pierre dure et froide. Le sourire qui étirait ses lèvres se figea dans une moue impassible, un visage complètement dur et fermé.  Une moue qui inspirait la méfiance et la haine. A ce jour, Il n'était  plus que l'ombre de lui-même, en train de picoler pour oublier que son coeur ne pourrait jamais plus battre à la chamade lorsqu'il est heureux, se serrer lorsqu'il était peiné ou triste. Jamais plus, il ne pourrait faire un sourire sincère et rempli d'émotion. Malgré tout, William n'arrivait pas à oublier la sensation de chaleur dans son coeur lorsqu'il donnait quelque sous,  de la nourriture à une personne dans le besoin. Il voulait retrouver cette sensation au sein de coeur, retrouver sa vie d'avant, avancer sur la mort de sa femme, et surtout ne plus être seule.

C'était terrible d'avoir un tel coeur. Impossible de bouger, d'avancer dans ce monde, faire part de sa culpabilité. Impossible d'avancer dans la vie, éprouver quelque chose. Sentir le bonheur et la joie dans son coeur. Ressentir de la chaleur. Le plus terrible, c'était qu'il ne pouvait pas être sincère avec lui-même et avec les autres. Il ne pouvait rien ressentir pas même le terrible abandon de son père, pas même le terrible abandon et rejet de sa mère. Une mère qui devint de plus en plus flou au fil du temps. Seule, Ruby lui faisait rappeler les traits du visage de sa mère. Ruby lui ressemblait tellement sauf que dans le regard de sa soeur, aucune haine brillait comme dans celui de sa mère. Il te regardait étrangement. La sauveuse semblait être méfiante et à la fois triste. Il avait l'impression que tu n'avais rien fait de bien dans ta vie, comme si tu n'avais pas sauvé toute une ville, comme si tu n'avais pas brisé une malédiction. Comme si tu étais tout comme lui. Perdue et brisée.

- Je ne veux pas vous paraître impoli, sheriff, mais vous ne m'avez pas l'air d'être une sauveuse, encore moins d'une personne qui a sauvé toute une ville d'une malédiction . C'est très étonnant d'ailleurs de voir ce genre de lueur dans votre regard, s'enquit-il tout doucement avec une voix polie.

William eut un petit sourire avant de redemander un verre de whisky au barman qui lui avait lancé un regard noir et méfiant, ce regard le lassait, il eut un soupire de lassitude. Toujours et encore ce regard noir, cette méfiance. Toujours. Il en avait vraiment marre.

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William avait tout perdu. Tout. Dans sa vie, une tempête s'était abattue ne laissant que des décombres, de la poussière et un coeur de pierre. Il aurait aimé ressentir de la peine, de la compassion pour toi. Ressentir ce que les autres humains pouvaient ressentir en temps normal. Mais rien. Rien du tout. Juste il la regardait d'un air songeur. Il savait ce que cela faisait de perdre l'être qu'il aimait plus que tout. Il avait perdu Elina tout doucement, plus les jours passaient, plus elle s'éloignait de lui et William ne la voyait plus, ne ressentait plus cet amour si fort pour elle. Elina avait dû se sentir seule et rejetée par lui jusqu'à sa dernière heure, son dernier souffle, Elina avait dû être persuadée que William ne l'avait jamais aimé, qu'il n'était qu'un bon apôtre.

Il but un peu de son verre en t'écoutant, le liquide ambré qui se vidait quelque peu dans son verre en cristal. L'alcool diffusait une éphémère chaleur dans son corps, embrumant son esprit d'avantage qu'il ne l'était déjà. Son coeur de pierre le faisait quelque peu tenir à l'alcool. Mieux que la plupart des hommes. Il devait sentir le Bourbon et le whisky à plein nez, c'était pour cela qu'il évitait de trop se coller à toi afin que tu ne sens pas son odeur alcoolisé. Il ne semblait pas saoul pour autant, un peu pompette mais pas saoul alors qu'il était à son -il-ne-sait-plus-combien-verre. Le septième ? Le huitième ? Le neuvième ? Le dixième ? Il ne savait plus vraiment.  

Il se mordit la lèvre en te regardant, tu ne le connaissais pas. Peu de personne ne le connaissait. Ni lui, ni son conte de fées.

-Je comprends, Miss Swan. Ma femme est morte assassinée par un monstre qu'elle aimait, déclara-t-il. Et oui, vous avez le droit à vos mauvais moments après tout vous êtes comme tout le monde, ajouta William.

Lui, il était un robot, un véritable robot. Il n'avait pas de coeur, donc, pas de sentiments. Comme les robots, il était doté d'une intelligence, d'une voix, de données mais pas de sentiments. Pas de remords, pas de culpabilité. Juste un coeur de pierre. Un coeur qui ne lui servait plus à rien mais dont il ne pouvait se séparer. Il était condamné à subir cette malédiction. Une malédiction qui ne lui laissait pas de répit. Jamais. Son coeur le hantait ainsi que ses démons.

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Le silence n'était pas forcément muet. On pouvait se dire un tas de choses dans le silence. Certains pouvaient comprendre. Dans les silences, il n'y avait pas que de la tension, de la gêne. Parfois, il y avait de la compréhension, de la réflexion. Il y avait des non-dits. Parfois, c'était dans un silence morbide que la plus claire des vérités apparaissait soudainement. William adorait les silences, cela lui permettait d'étudier les personnes qui les entourait, de les observer afin de mieux les comprendre. Il lui fallait un peu près une heure avant de comprendre le mécanisme de l'être humain, comment il mentait, quel était le tic qui le prouvait ? Les silences étaient parfois ses amis mais lorsqu'il vint se coucher seul dans son lit, silencieux, rien qui faisait du bruit aux alentours hormis son réveil et son agaçant " tic-tac" bien connu de tous. Il les détestait. Dans le silence pesant de la nuit, il avait parfois l'impression d'entendre le hurlement d'agonie de sa femme. Un hurlement qui le laissait de marbre alors qu'il savait, qu'il avait conscience que cela aurait dû lui briser le coeur. William avait adoré la malédiction pour cette raison, au moins, dans la malédiction, il n'était qu'un simple bijoutier qui aimait arnaquer tout le monde, maintenant il savait qu'en réalité, il était un meurtrier incapable de ressentir des émotions humaines. Maintenant, il était en train de boire car au moins, il avait l'impression de pouvoir ressentir ne serait-ce qu'un peu vivant.

Il regardait la belle blonde à ses côtés, présenter ses condoléances, si seulement, elle savait ce qu'il avait fait à sa pauvre. Il lui avait planté une canne dans la tête et ensuite l'avait peint, et pendant la malédiction, il avait regardé le tableau, apprécié celui-ci. Il ne méritait pas vraiment des condoléances. Il méritait plutôt qu'on le punisse, qu'on lui fasse sentir la douleur mais mis à part la douleur physique, il ne pouvait pas ressentir la douleur mentale, la douleur d'un coeur brisé. Lord Willaim, le richissime William, de sa cruauté avait arraché la plus belle et pure des fleurs en la broyant de sa main calleuse et violente, les fines et frêles pétales d'une pureté éclatante. Sa pauvre femme n'était plus à cause de lui, à cause d'un monstre. Finalement, sa mère avait raison lorsqu'elle disait qu'il était une abomination.

- Je vous remercie de votre compassion, déclara-t-il en soufflant. Avant la malédiction et je pense que ma présence est ici , c'est oui dans les deux cas, vous savez, je me préférais pendant la malédiction au moins, je ne passais pas mon temps à boire, ajouta-t-il en regardant pensivement en face de lui.

Il aurait aimé se dire, qu'il existait, mais au fond, il savait que dans ce trou à rat. Il était juste complètement perdu.

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