Retrouvailles inattendues... [PV Scarlett]

Avant son service, Anastasia était allée courir sur la plage avec ses chiens. Elle commençait toujours une journée de cette façon et ne pas avoir son jogging matinal la mettait de mauvaise humeur. C'était pour elle une façon de décompresser avant la journée qui ne manquerait pas d'être stressante, elle le savait d'expérience.

La Malédiction et sa chute n'avaient rien changé à ce qu'elle était au fond : une femme forte, indépendante qui n'entendait pas se faire dicter sa conduite par des gens moralisateurs ou les règles de la société. C'était en partie pour ça qu'elle était devenue pompier... Pour montrer qu'elle pouvait faire un boulot d'homme, aussi bien que les hommes voire même mieux parfois. Le seul qu'elle n'arrivait pas à égaler, c'était son chef, Colin O'Cahan. Mais tous ses autres collègues, la rousse leur avait montré qu'elle valait autant qu'eux.

Midi venait à peine de sonner quand on l'envoya en mission. De la routine quoi. Une mission de reconnaissance. Une dame d'un quartier de la ville avait appelé pour signaler des nuages de fumée suspects dans la maison d'une voisine. Des appels comme ça, le central en recevait régulièrement. En général, il s'agissait de vieilles dames qui s'ennuyaient, qui appelaient les pompiers pour voir du monde... Avec un soupir, Anya était partie avec une équipe voir ce qu'il se passait.

Et en arrivant, ce qu'elle pensait se vérifia : il y avait bien des petits nuages de fumée, mais rien de bien intéressant ou dangereux à première vue. La rousse prit un peu de matériel et renvoya l'équipe à la caserne où ils pourraient être plus utiles qu'à rester là pour rien. Elle-même étant venue avec un petit véhicule, il n'y aurait pas de souci pour rentrer. Une fois l'équipe repartit, la rousse se dirigea vers la porte et toqua pour faire venir quelqu'un. Quand la porte s'ouvrit sur une petite rousse, elle se présenta rapidement.

- Bonjour, je suis le pompier Johnson. Se présenta-t-elle. On nous a signalé des nuages de fumée provenant de chez vous, est-ce que tout va bien ? Demanda-t-elle.

Sans doute qu'il ne s'agissait de rien d'autre que d'un fond de casserole qui avait été oublié sur le feu... Rien de bien intéressant pour une grande équipe, mais Anya voulait tout de même vérifier que tout allait bien.

La rousse avait patienté jusqu’à ce qu’on lui ouvre la porte. Une jeune fille apparut, à peine âgée de la vingtaine si elle ne se trompait pas. Une petite rousse, comme elle. Une rouquine qui avait un air coupable et qui baissa les yeux juste après l’avoir regardé. Anya trouva cela assez étrange et se demanda soudain pourquoi la jeune femme agissait ainsi. Était-ce une habitude ? À sa connaissance, seules les femmes battues agissaient ainsi… Aussi tout ceci la mit-elle sur ses gardes. Mais la suite la laissa sans voix durant un moment.

- Comment… Est-ce qu’on se connait ? Demanda-t-elle en plissant les yeux.

En tout cas, la pompier n’avait pas du tout l’impression de connaître la rousse en face d’elle. C’était même la première fois qu’elle la voyait, elle en était totalement certaine. Aussi tout ceci ne faisait qu’ajouter un voile de mystère… Et depuis qu’elle avait retrouvé ses souvenirs, les mystères, Anya s’en passait très bien. Elle n’aimait pas tout ceci puisque ça lui rappelait Raspoutine…

- Qui êtes-vous ?

La question avait franchi ses lèvres avant qu’elle ne puisse penser à se taire. Mais sans doute était-ce mieux ainsi parce que pour le moment, elle ne comprenait rien du tout à la situation. Ce qui devait être une intervention assez simple s’était soudainement transformée en quelque chose de plus complexe.

Anastasia avait regardé la jeune fille en face d’elle, se demandant d’où elles avaient pu se rencontrer pour que cette petite sache qui elle était. Et lui parle avec autant de familiarité, comme si elles avaient été proches par le passé. Or, la rousse ne se souvenait pas de ce visage… Et puis, elle n’avait pas été proche des enfants de l’orphelinat qui avaient été trop jeunes. Et par la suite, elle n’avait été qu’avec des hommes… Dimitri, Puka et Vlad. Mais la Malédiction ne changeait pas les hommes en femmes, pas vrai ?

Anya n’en était plus aussi sûre quand la gamine lui parla de quatre pattes, de poils… Et de son voyage jusqu’à Paris. Il n’y avait qu’une personne qui pouvait savoir tout cela. Un petit chien qu’elle avait pris pour le signe qu’elle attendait afin de savoir quel sens donner à sa vie… Mais c’était impossible ? Non ? La pompier était franchement perdue, elle ne savait plus quoi penser… Mais à voir le regard de la jeune femme, la russe sut.

- Puka…

Le reste ne fit que la convaincre un peu plus. Elle sourit quand la jeune femme releva la tête vers elle. Au fond… Ce n’était pas si impossible que cela. Et c’était même une très bonne nouvelle que de voir Puka ici !

- Tu m’as manqué !

Et sur ces mots, Anya se hâta d’enlacer la jeune fille, ravie de retrouver sa complice de toujours.

- Je ne serais pas moi si je respectais les conventions, pas vrai ? Chuchota-t-elle à l’oreille de la jeune femme. Alors, comment on t’appelle ici ? Demanda-t-elle en relâchant son étreinte.

La russe était vraiment ravie d’avoir retrouvée son ami. Certes, c’était un peu déconcertant de voir Puka devenir une femme, mais bon, elle s’y ferait. Cela n’enlevait rien à sa joie de retrouver sa complice d’antan.

La rousse n’aurait jamais cru pouvoir retrouver Puka de cette façon. À dire vrai, jamais elle n’avait imaginé que son métier aurait pu la rapprocher d’un membre de son monde. Mais tomber sur Puka… Devenu une fille ! C’était incroyable. Et cela lui faisait tellement plaisir de retrouver son amie de toujours ! Ce n’était pas pour rien si Anastasia était entourée de chiens chez elle… Les canidés lui manquaient, parce que Puka n’était pas avec elle alors. Mais maintenant, les choses allaient pouvoir changer, c’était certain.

- Scarlett… C’est un beau nom. Dit-elle avec un sourire. Dis-moi, tu te présentes toujours de cette façon ? Demanda-t-elle en riant. Comment as-tu pu être la raison du divorce de tes parents ? Demanda-t-elle, curieuse. Oh, je ne sais pas où est Dimitri… Avoua-t-elle, un peu gênée.

Elle ne l’avait pas cherché à dire la vérité. Anastasia avait eu besoin de se concentrer sur son travail pour ne pas sombrer et avait espéré que lorsque le moment serait venu, un signe la conduirait à Dimitri. Mais pour le moment, cela n’était pas arrivé et la rousse ne savait pas quoi en déduire… Sans doute devrait-elle s’y mettre à un moment donné…

- Et Vlad ? Vu que vous étiez proches avant… La Malédiction t’a permis de le trouver ou pas du tout ? Demanda-t-elle.

Après tout, certains avaient été très proches dans le monde des contes et durant la Malédiction, même sans savoir pourquoi. Cela pouvait être le cas de Scarlett…

Si la jeune femme remarqua que Scarlett ne lui répondit pas en ce qui concernait ses parents, elle n’en dit cependant rien. Certains sujets pouvaient être compliqués à aborder et la russe avait fini par l’apprendre. Ceci dit, elle restait quand même curieuse et ne manquerait pas d’en reparler à un moment ou à un autre. Ce n’était pas le moment aujourd’hui cependant, elles venaient tout juste de se retrouver et il lui aurait été très déplaisant de devoir insister sur un sujet qui devait sans doute être douloureux.

- Un conseil, ne parle pas de ton orientation sexuelle quand tu te présentes. Dit-elle en souriant. Ça pourrait faire peur à certains… Souligna-t-elle. Enfin, sauf si le but c’est de les effrayer justement. Ajouta-t-elle ensuite, songeuse. Dans ce cas fonce ! Encouragea-t-elle son amie avec un grand sourire.

N’empêche qu’elle était toujours très curieuse sur ce qui s’était passé pour Scarlett et qu’elle mourrait d’envie de lui poser plein de questions. Mais parce qu’elle était son amie, Anya décida de patienter. Cela valait peut-être mieux. Même si ça n’était pas dans son caractère…

- Bien sûr que je le sais. Affirma-t-elle en hochant la tête, grave. Et le contraire est tout aussi vrai. Précisa-t-elle pour Scarlett. Donc si un jour t’as le blues ou même si tu l’as pas, tu viens me voir quand tu veux. La porte te sera toujours ouverte. Ajouta-t-elle. Quant aux recherches sur les autres… J’en ai pas fait et je t’ai trouvé. Alors je crois que je ne vais rien faire pour les autres non plus, on verra bien. T’en pense quoi ?

Cela allait lui faire de la peine de ne pas retrouver rapidement sa grand-mère, mais bon, elle avait vu tellement de gens chercher les leurs et échouer qu’elle ne voulait pas recommencer… D’ailleurs, elle avait souvent le chic pour trouver les siens quand elle s’y attendait le moins…

Amusée, mais sachant combien les gens pouvaient être intolérants, Anya recommanda à Puka de ne pas évoquer sa sexualité quand elle se présentait, à moins justement qu’elle n’ait envie de choquer les gens… Ça, si c’était le but, c’était une très bonne façon de faire, la pompier n’allait pas dire le contraire !

- On a plein de choses à se raconter… Lui assura-t-elle.

Mais peu de temps encore puisque sa mission avait été remplie. Scarlett l’encouragea alors à repartir au boulot. La rousse accepta avec réticence et prévint son amie qu’elle repasserait à la fin de son service, avec des boissons et de quoi grignoter pour qu’elles puissent discuter tranquillement.

La fin de son service mit un temps fou à arriver. À croire que l’horloge avait ralenti exprès pour la torturer… Quoi qu’il en soit, une fois qu’elle eut fini, Anya rentra chez elle, se doucha, enfila un jean et un débardeur, prit un gilet et la nourriture qu’elle avait promit puis partit chez Scarlett.

- J’espère que t’as un canapé confortable, parce que je ne compte pas bouger avant qu’on ne se soit raconté tout ce qu’on avait à se dire ! Déclara-t-elle une fois que Scarlett lui eut ouvert.

Anya n’avait pas vraiment changé depuis qu’elles s’étaient rencontrées, mais ça n’était clairement pas le cas de Puka et la russe voulait tout savoir.

Retrouver Puka avait été un grand coup de chance. Anya en était plus que ravie et même si elle devait se faire à la nouvelle apparence de son amie, elle savait que c’était toujours la même personne loyale. Il n’y avait que ça qui comptait de toute façon. Qu’elles soient toujours autant amies qu’avant… La pompier avait filé avec de la nourriture et avait sonné chez la jeune femme qui lui avait ouvert avec un sourire, riant à la petite plaisanterie de la rousse.

- Vodka ! Répondit-elle. C’est de circonstance pour fêter nos retrouvailles ! Dit-elle à Scarlett.

Pendant que son amie partait chercher les boissons, Anya installa la nourriture qu’elle avait apportée. Des trucs à grignoter comme des chips, du saucisson, des conneries du genre quoi. Une fois Scarlett revenue et installée, la russe leva son verre et en prit une gorgée, savourant la brûlure de l’alcool dans sa gorge.

- C’est de la bonne ça… Sourit-elle avant de se vautrer un peu plus dans le canapé. Alors raconte-moi… Avec plus de détails que ce que tu m’as dit ce matin. C’était comment la vie sous la Malédiction pour toi ?

Pour Anya, rien n’avait vraiment changé… Elle avait juste un métier maintenant qui lui permettait de montrer que les hommes étaient souvent des bébés. C’était pas si mal. Mais elle était seule. Enfin… Jusqu’à aujourd’hui.

Confortablement calée dans le canapé, Anastasia écouta attentivement Scarlett lui raconter sa vie sous la Malédiction et une fois que celle-ci avait été brisée. La rouquine compatissait avec son histoire et aurait aimé pouvoir être là pour soutenir son amie quand les choses s’étaient produites… Mais on ne pouvait pas changer le passé. Maintenant qu’elles s’étaient retrouvées, Anya se promettait d’être toujours là pour Scarlett.

- J’imagine que tu as déjà dû entendre ça, mais tu n’y es pour rien… Aimer les hommes ou les femmes, ça ne se commande pas. Si ta mère est trop bête pour l’accepter, je suis contente qu’elle soit partie de ta vie. Même si ça doit te faire du mal… Soupira-t-elle en donnant un petit coup d’épaule à Scarlett pour lui manifester son soutien. J’ose pas imaginer ce que ça doit faire que de se retrouver humaine après avoir été un animal… Avoua-t-elle. Rien à signaler côté cœur, vraiment ? S’étonna-t-elle. Les gens sont trop bêtes pour s’apercevoir de la fille géniale que tu es ? Demanda-t-elle.

C’était à n’y rien comprendre. Les gens avaient vraiment besoin de lunettes… Bien évidemment, Scarlett lui demanda à son tour de lui raconter ce qu’elle avait vécu.

- Regina n’a pas fait dans l’originalité en choisissant mon faux passé. J’ai été orpheline une fois encore. Je me suis faite toute seule et je suis devenue pompier, comme tu le sais. La seule femme pour le moment. Dit-elle avec fierté. Côté cœur, c’est le calme plat. Je n’étais pas intéressée durant la Malédiction et maintenant j’essaye de retrouver Dimitri pour savoir si ça accroche toujours entre nous ou pas… Rien de bien palpitant de mon côté donc. Conclut-elle avant de boire un shot de vodka.

En voulant la réconforter Anya ne fit que répéter des banalités. Scarlett lui assura qu’elle ne s’en voulait pas et qu’elle s’inquiétait plutôt pour son père qui avait choisi sa fille plutôt que sa femme. Un choix que la rouquine respectait. C’était le genre de choix qu’elle avait toujours considéré comme normal, surtout pour ce genre de choses !

- Je crois que je vais bien aimer ton père moi… Répondit-elle avec un sourire. C’est un type intelligent, du moins il m’en a tout l’air ! Plaisanta-t-elle. Quant à tes histoires de cœur… Tu trouveras. Dit-elle en haussant les épaules. Moi je le cherchais pas et je l’ai trouvé… Fit-elle remarquer.

Le hasard ça avait bien fonctionné. D’ailleurs, Scarlett le lui fit bien remarquer. Anya sourit et trinqua sur ces paroles pleines de sagesse. Elle n’allait pas contredire son amie là-dessus, c’était certain. Déjà dans le monde des contes, la rouquine avait eu beaucoup de chance, le hasard avait beaucoup joué en sa faveur. Et là, ça commençait à être un peu pareil apparemment…

- Certes… Mais je me demande si je ne devrais pas mettre des affiches ou des trucs comme ça. Dit-elle en réfléchissant. Après tout, on peut donner un coup de pouce au hasard non ? Demanda-t-elle à son amie.

Déjà dans le monde des contes, Anya avait eu besoin de l’avis de Puka. Certes, il n’y avait pas de discussion comme là, mais bon, les bonnes habitudes n’avaient pas besoin d’être changées, surtout pas à ce niveau-là. Enfin, c’était l’idée de la jeune femme en tout cas.